Stage de natation en mer

Stage de natation en mer

Débriefing
Dans l' Enduroman , outre les 140km de course à pied et les 300km de vélo, le plus difficile c’est la traversée de la Manche à la nage : eau froide, vagues, sel, dérive suivant la marée en cours, distance (+40km). Alors que pour les autres triathlons même Ironman, un entrainement en piscine est suffisant, ce n’est pas le cas ici. Des stages préparatoires sont organisés en amont de la compétition et ont plusieurs rôles : 
- Prendre conscience de la nage en pleine mer
- Se tester en conditions de fatigue avancée

J’ai donc pris l’avion direction Lanzarote fin Janvier, une ile volcanique et désertique des Canaries. Il n’y a absolument rien à part de la lave et des cailloux. De nombreux hôtels/resorts avec un peu de végétation sont en construction mais ce n’est pas le plus beau paysage du monde. Avec d’autres participants à la compétition nous sommes là uniquement pour nous entrainer donc le paysage n’est pas très important. La météo est plus clémente que sur le continent et ressemble à ce que pourrait être la Manche un jour de Juin.

Cette course a été créée par un Anglais et l’eau libre (surtout sans combinaison) c’est une institution en Angleterre, c’est pourquoi beaucoup d’anglais sont présents. On n’y parlera que la langue de Shakespeare pendant tout le stage. On pourrait croire le contraire mais beaucoup de femmes s’entrainent pour la course et sans combinaison néoprène en plus. Pour l’organisation, ce n’est que deux personnes : Edgar le créateur de la course et Rachell ayant réussi à terminer la course en 2017.

Chacun des participants au stage fait absolument ce qu’il veut mais l’idée c’est d’augmenter progressivement les heures de natation en mer. En plus du maillot de bain/bonnet/lunettes habituel, il faut donc s’armer d’une combinaison pour ceux qui le souhaitent, d’un protège cou pour éviter les frottements du sel sur la peau, de vaseline pour la même raison, de crème solaire et d’une bouée gonflable pour la sécurité.

La natation en mer c’est se faire ballotter par les vagues, être dépendant du vent, une profondeur beaucoup plus importante qu’en piscine qui donne l’impression de ne pas avancer du tout voire parfois de reculer, de se faire piquer par des méduses et gérer la température de son corps uniquement par l’alimentation et la cadence des bras. Pour ne rien vous cacher c’était très difficile, on a beau s’entrainer des heures en piscine, enchaîner 6h en mer c’est bien plus fatiguant.
On nageait environ deux fois par jour et une nuit (à partir de minuit) nous avons enchaîné 6h de course à pied puis 6h de natation avec une pause d’une heure entre les deux entraînements. Simplement pour se rendre compte de l’importance de la fatigue et du repos dans ce type de course. La privation de sommeil c’est vraiment particulier et peu de gens l’ont expérimenté. 
Quand on s’entraine ou à l’approche d’une compétition le mot d’ordre est souvent « le repos est très important », « il faut beaucoup dormir ». C’est vrai. Sauf quand ça fait partie de la course, il faut essayer avant. Les navigateurs en solitaires ont l’habitude de ces déficits. Les jeunes parents aussi…à chacun sa raison.

Un soir on a expérimenté la natation en mer de nuit. On a ajouté des petites lampes étanches qui permettaient aux organisateurs de ne pas nous perdre. La visibilité est proche de 0, heureusement nuit claire cette nuit la lune et les lumières de la côte ont permis d’observer certains contrastes dans l’eau. Un véritable film d’horreur à l’aveuglette.

Les enseignements de ce stage :
1) Sur des ultras de plusieurs jours, le repos est très important et doit être prévu, géré, managé.
2) On peut être un bon nageur de piscine, lac ou rivière mais la mer c’est une autre paire de manches : la technique de glisse ne suffit pas
3) Pour les très longues distances et donc plusieurs dizaines d’heures de course, il faut travailler son mental pour ne pas lâcher prise facilement. Le corps est bien fait mais la tête peut rapidement prendre le dessus avec des pensées négatives telles que « je n’y arriverai pas, je n’avance pas, ce n’est pas normal », ce que les anglais appelle le "monkey mind". C’est important de travailler ce point avec beaucoup de détachement par rapport à soi-même. Notamment en allongeant certains entrainements pour se retrouver dans la même situation.
4) On peut n’avoir plus de jambes (suite à un marathon), mais il reste les épaules pour avancer en natation pendant des heures ou inversement, l’enchainement est carrément faisable.
5) L’apport calorique doit être énorme et constant même dans l’eau. Il faut trouver ce qui nous convient le mieux : pour l’instant c’est des saucisses de Strasbourg, du velouté chaud, du thé avec du miel, des biscuits apéritifs, des noix de cajou.
Au final c’était 7 jours à 90km de natation et 72km de course à pied soit une bonne préparation pour la suite.

Gaëtan le 07/02/2020

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